Si
le début du règne du jeune Carlos I – il n'était âgé que de seize ans – ne
provoqua pas en Espagne un enthousiasme général et fut assombri par des
révoltes internes violemment réprimées (Comunidades
de
Castille et Germanías de Valence), peu à peu l'influence
bourguignonne et flamande qui envahit le gouvernement péninsulaire
s'estompa. Carlos I, élevé à la dignité impériale en 1519, s'employa à
organiser de manière harmonieuse les domaines différents dont il avait
hérité ; il n'y réussit pas toujours. L'Espagne, base essentielle de
l'Empire, si souvent sollicitée financièrement, paya un lourd tribut au
prestige et à la gloire du souverain. L'or et les richesses qui commençaient
à parvenir des Amériques jouèrent alors un rôle important, surtout
perceptible vers la fin du règne.
Nombreuses étaient les régions d'Europe qui dépendaient de Charles
Quint, dénominateur commun d'un ensemble hétéroclite. Héritier des
possessions de la maison de Habsbourg, du royaume de Castille (avec ses
nouvelles dépendances américaines), du royaume d'Aragon et de ses
prolongements italiens,
Charles
Quint dut aussi consacrer une grande partie de son règne aux
épineuses affaires d'une Allemagne profondément agitée par le protestantisme
naissant. La rivalité avecFrançois Ier
et les démêlés
avec la papauté furent aussi l'occasion de nombreux conflits auxquels
vinrent s'ajouter ceux que généraient les Turcs sur les frontières de l'Est,
ou les Barbaresques dans le bassin
méditerranéen.
.
L'étendue des domaines de
Charles
Quint et la diversité des affaires qu'il eut à traiter permettent de
comprendre aisément le grand nombre de ses voyages. L'empereur souhaitait,
dans la mesure du possible, se trouver sur les théâtres d'opérations
importants. La défense de son héritage – point capital pour une bonne
compréhension de son action et celle, très médiévale, de la Chrétienté
marquèrent indiscutablement sa politique, plus que l'idée de « monarchie
mondiale » que tentait de mettre en application le chancelier Gattinara, le
conseiller des premières années de son règne.
Certains conquistadores – Hernán Cortés le premier –
voulaient conforter le jeune souverain dans cette idée de domination
universelle. La fulgurante expansion territoriale des Espagnols dans le
Nouveau Monde aurait pu attirer de manière plus importante l'attention de
Charles
Quint qui était, semble-t-il, beaucoup plus préoccupé par les
affaires européennes. Coïncidant (en 1519) avec son élévation au trône
impérial et au départ de Magellan pour son tour du Monde, le début de la
véritable
Conquista
correspondait à l'entrée d'Hernán Cortés et de ses troupes en territoire
aztèque.
L'« Empire » inca sera dominé à son tour deux lustres plus
tard. Et l'on doit constater que le temps du règne de
Charles
Quint est aussi celui des actions les plus importantes du processus
de Conquista. Le fils de l'empereur, Philippe II, à la tête d'un
empire plus « espagnol » que celui de son père, aura pour tâche de continuer
l'œuvre entreprise en Amérique et d'établir ou consolider une administration
coloniale qui devait intégrer les Indiens survivants d'une catastrophe
démographique sans précédent et imposer les règles de gouvernement et les
conceptions européennes à des êtres subitement privés de leurs anciennes
traditions et coutumes politiques et socioculturelles.
Charles
Quint amorça cette vaste entreprise d'organisation dans la deuxième
moitié de son règne, alors que les affaires américaines prenaient une grande
importance. Le Nouveau Monde ne pouvait être considéré simplement comme un
fournisseur de métaux précieux, bien utiles pour financer une dispendieuse
politique internationale.
Les
protestants d'Allemagne, François Ier
et la papauté absorbèrent
une bonne partie de l'énergie de l'empereur alors que le Nouveau Monde ne
paraît avoir occupé qu'une place secondaire pour lui. Par contre les
Pays-Bas, lieu de sa naissance, ont joué un rôle capital
pour
Charles de Gand, toujours préoccupé par les affaires le concernant.
L'Amérique, nouveau champ d'action, parfois mal perçue
– vu 'éloignement – à sa juste valeur, commençait à prendre une place
déterminante au sein de l'Empire espagnol. Philippe II saura exploiter ce
filon.
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