Le Duché de Milan, avant d'être un Duché, était
depuis le Moyen-Âge une «Cité», expression antique qui désigne une ville, en
l'occurrence Milan, et le territoire qu'elle contrôle, le Milanais ,
le tout étant gouverné selon un principe républicain, largement
aristocratique en ce qui concerne les cités italiennes du Moyen-Âge; mais,
durant les troubles médiévaux qui opposèrent guelfes et gibelins (partisans
respectifs du pape et de l'empereur dans la lutte opposant ces deux légats
de Dieu sur Terre), la situation chaotique favorisa l'avènement d'une
famille ambitieuse à la tête de Milan: les gibelins Visconti, qui obtinrent
de l'Empereur Henri VII en 1277 la charge de vicaires impériaux pour Milan,
puis de l'Empereur Wenceslas en 1395 le titre héréditaire de Duc (duce,
en Italien, signifie: chef) qui fit d'eux les maîtres de la Cité, laquelle
prit alors le nom de Duché.
Lorsque la lignée des Visconti s'éteignit en 1447, une autre famille lui
succéda: les Sforza; ce changement dynastique n'eut pas de conséquence
immédiate, mais cinquante ans plus tard, en 1498, le Roi de France Louis XII,
qui sans doute était en mal de conquêtes, prétendit faire valoir les droits
qu'il avait sur Milan du fait de sa grand-mère Valentine, la dernière des
Visconti; et l'armée française traversa les Alpes et conquit Milan après en
avoir chassé les Sforza non sans quelque peine, une peine telle, d'ailleurs,
que Louis XII ne put conserver Milan qu'au prix d'une concession très
importante: par le traité de Blois de 1504, il promit de léguer Milan à sa
fille Claude et au mari de celle-ci: moi, Charles, qui du haut de mes 4 ans
étais alors trop jeune pour y comprendre quoi que ce fût!
Seulement, vous pensez bien, ces damnés Français ne savent pas tenir leur
parole: une fois assurée son emprise sur Milan, Louis XII rompit sa
promesse: pas directement, pas ouvertement, non, bien sûr, les Français sont
sournois: Louis XII recourut à une piètre ruse: il rompit les fiançailles
avec sa fille et offrit celle-ci à son cousin François d'Angoulême, qui ne
tarda pas à épouser cette Claude, à hériter de la couronne de France sous le
nom de François Ier, et à prétendre conserver le Duché de Milan! Mais entre
temps les Milanais s'étaient lassés de l'occupation française et, misant sur
l'humeur et les disponibilités du nouveau Roi de France, si loin par-delà
les Alpes, décidèrent de briser ce joug: ils chassèrent les quelques troupes
françaises qui occupaient Milan, rappelèrent les Sforza à la tête du Duché,
et attendirent de pied ferme la réaction du nouveau souverain français.
Celle-ci ne se fit guère attendre: l'armée française traversa les Alpes au
nez et à la barbe des Suisses qui, alliés des Milanais, croyaient contrôler
les cols alpins, et battit la coalition helvético-milanaise à Marignan, non
sans mal et grâce à l'arrivée inespérée de ses alliés Vénitiens. François
Ier put alors pénétrer dans Milan reconquise, que Maximilien Sforza céda à
François Ier (il n'avait plus guère le choix) contre une pension et un asile
en France. Nous étions en 1515.